LES DIVORCES BAISSENT, LES MARIAGES AUGMENTENT
LE CONSENTEMENT MUTUEL DOMINE LES CAS DE SÉPARATION
CONCILIATION, LES ENFANTS DU COUPLE NE PÈSENT PAS TOUJOURS
Dès l’entrée en vigueur du code de la famille en février 2004, les cas de divorce ont baissé: de 38.438 en 2000 à 22.937
Un code qui n’a pas éclaté la famille!L’entrée en vigueur du code de la famille a contre toute attente baissé les cas du divorceen 2011 (voir graphique). Le constat du ministère de la Justice et des Libertés tranche avec certains préjugés qui font un procès à une réforme de 10 ans d’âge.
Faut-il réformer certains aspects (mariage des mineurs par exemple) ou laisser plus de temps au code pour mûrir au niveau de la pratique? S’il n’est pas toujours vu d’un bon œil, la loi a néanmoins permis de régler le divorce en permettant à la femme de jouir de son droit de se séparer (voir ci-contre).
Pendant longtemps, les femmes ne pouvaient divorcer que si elles prouvaient que le mari n’assume pas son rôle. Sur les 22.937 jugements prononcés en 2011, plus de la moitié le sont par consentement mutuel entre les deux époux. Ce qui témoigne que la procédure ne se fait plus au détriment d’un autre. La femme généralement. D’ailleurs les divorces qui sont à l’initiative de l’épouse sont quasi anecdotiques. La vie de couple marié continue en tout cas à séduire: 227.741 unions au début de ce siècle contre 325.415 en 2011. La moyenne d’âge est de 26,6 ans pour les femmes, selon le Haut commissariat au plan.<!–more–>
Toujours est-il que lorsque les esprits chauffent au sein du foyer, le tribunal joue le médiateur. La conciliation est possible. Juges, arbitres (2) et conseil de la famille… agissent pour renouer les liens. Ce sont surtout les tribunaux qui s’activent. Au moment où les proches n’interviennent pas autant pour que les époux renoncent au divorce.
Lorsqu’on se penche sur la conciliation selon si le couple a des enfants ou n’en a pas, le constat est presque le même. En 2010-2011, ce sont 12.631 cas enregistrés par le ministère de la Justice et des Libertés. Ils sont presque également répartis entre les couples parents ou pas. Il se peut que l’avenir des enfants pèse dans la conciliation. Mais ce n’est pas une condition sine qua non.
Le divorce peut être demandé pour plusieurs raisons: discorde (chiqaq), pour manquement à l’une des conditions stipulées dans l’acte de mariage (pas de polygamie) ou pour préjudice subi, pour défaut d’entretien, absence de conjoint, vice rédhibitoire (stérilité) et finalement pour cause de serment de continence ou de délaissement.
C’est la discorde qui arrive en première position des divorces judiciaires. Elle est suivie par le défaut d’entretien, l’absence du conjoint et le manquement au contrat de mariage. Voilà qui renseigne sur le climat conjugal dominant à l’origine d’une séparation. En 2011, ce sont les époux qui dans plus de la moitié des cas ont demandé le divorce judiciaire: 38.435 demandes uniquement pour cause de discorde.
Les femmes se retrouvent par ailleurs souvent expulsées du domicile conjugal. N’empêche que le taux de retour est souvent élevé: plus de 80% des cas.
Qu’en est-il du nombre des époux qui se mettent d’accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens Un code qui n’a pas éclaté la famille!qu’ils auraient acquis pendant la vie conjugale? Vu les chiffres du divorce, leur nombre demeure très faible à en juger des statistiques de 2006-2011, soit 3.185 cas. C’est dire que la question financière est loin d’être prise en compte lors de la signature du contrat de mariage. On peut supposer qu’après la prononciation du divorce, il y a des couples qui se réorientent vers les juridictions civiles et de commerce (au cas où ils ont une affaire). C’est aussi la désunion. D’où l’intérêt de joindre un avenant au contrat de mariage qui préviendrait les conflits financiers. Exemple: répartir à part égale la fortune constituée lors de l’union.
Il est de l’intérêt du ministère de la Justice et des Libertés de rendre publics les chiffres 2012-2013. N’empêche que sur une décennie d’application du code de la famille, il ressort une tendance globale: des mariages en hausse et des divorces en baisse. Quant à vouloir faire un bilan plus détaillé, le constat sera très nuancé d’un point à l’autre (mariage des mineurs, action en reconnaissance du mariage, pension alimentaire, garde des enfants, polygamie…).
Pour la reconnaissance des unions sans actes adoulaires, le délai de grâce de 10 ans est arrivé à échéance en février 2014. Une certaine «normalité» au sens légal prend en tout cas forme.
Le prix du bonheur
Le code de la famille fête ses dix ans en 2014. Quel est son bilan depuis son entrée en vigueur le 5 février 2004? Il y a eu d’abord une transition terminologique: la Moudawana (statut personnel et successoral) a cédé sa place au code «en vue d’en ressortir le caractère institutionnel de la famille (…), la préserver et sauvegarder les droits de chacun…», selon une note législative. Un code asexué en fait.
Yassir Benamar, avocat au barreau de Casablanca, a un avis assez mitigé. Le code «n’a pas encore fait tout ses preuves. Il y a eu au début un mouvement salutaire arguant que la loi va donner à la femme tous ses droits et sera l’égal de l’homme. Ce même mouvement féministe parle des années après de “machiavelisation” du code de la famille. Nous sommes passées finalement de 1.000 dossiers de divorce par an à 10.000, voir 15.000».
En fait, les statistiques sont beaucoup plus élevées. Mais il n’en demeure pas moins que le nombre des couples qui se sont séparés a chuté dès 2004: un peu plus de 38.400 cas au début de ce siècle à près de 23.000 en 2011 (voir graphique).
Me Benamar revient sur le volet compensatoire. «On disait aux femmes qu’en divorçant, elles obtiendraient un dédommagement de 100.000 à 200.000 DH, etc. Revirement jurisprudentiel en 2010: la femme n’a droit à réparation que si elle prouve la responsabilité de son mari. Finalement, on a juste permis à la femme d’exercer les mêmes droits qu’exercent les hommes. Le divorce acté auparavant par les adouls est désormais prononcé par les juges. Il est faux de dire que c’est un code révolutionnaire. Il est inadéquat avec notre société», soutient l’avocat.
Un point de vue qui est plus que discutable. De quelle société parle-t-on au juste: réactionnaire, conservatrice ou libérale? Sachant que le divorce a baissé, si l’on prend pour argent comptant les chiffres officiels. Le code de la famille a permis de rééquilibrer les rapports de force en termes de droits et d’obligations. La femme initie une action judiciaire au même titre que son conjoint. Les convenances sociales exigent «le vivre ensemble même si le couple n’en a plus la volonté et le désir». Un bonheur de façade. Les enfants en payent aussi le prix en étant maintenu dans un climat envenimé.
Le débat entre pro et anti code de la famille est toujours ouvert. Une lecture intelligente de la loi lui donne du souffle. D’où le rôle déterminant de la jurisprudence dans l’évolution du droit et le bonheur social.
Source: :www.leconomiste.com